À l’occasion de la Journée internationale des femmes, la Fondation pour la recherche en santé (FRS) est heureuse de présenter cette entrevue avec la première lauréate de son Prix pour la diversité et l’équité en recherche.Une série de moments décisifs ont contribué à façonner le parcours professionnel et les perspectives de Mme Salami. Ce parcours l’ayant menée vers le domaine de la recherche en santé n’a pas été linéaire, mais plutôt composé d’une série d’expériences marquées par différents mentors et différentes occasions d’introspection. Aujourd’hui, dans le cadre d’une quête pour atteindre l’excellence en recherche, elle s’efforce de comprendre et de défendre l’équité en matière de santé en explorant les influences, les enjeux et le pouvoir transformateur de l’inclusion.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans le domaine de la recherche en santé?
En 1998, j’ai suivi le programme de mentorat d’été de l’Université de Toronto. À l’époque, j’effectuais mes études préuniversitaires. Le programme de mentorat a été conçu pour accroître le nombre d’étudiants noirs dans le domaine des sciences de la santé, en particulier en médecine. Cette expérience a ouvert la voie à ma future carrière d’infirmière. En 1999, la cofondatrice et coordinatrice du programme de mentorat d’été m’a aidée à obtenir un poste dans un laboratoire de neurosciences à l’Université de Toronto. Elle tentait de mettre en œuvre un projet pilote de deuxième année pour les étudiants du programme de mentorat d’été. Au final, j’ai travaillé dans ce laboratoire de neurosciences de l’Université de Toronto avec un étudiant à la maîtrise. Son mémoire portait sur l’amélioration des résultats des traitements contre l’épilepsie par l’intermédiaire de tests sur des rats. En 2004, j’ai commencé mes études au baccalauréat en sciences infirmières à l’Université de Windsor. À l’époque, Janssen Ortho proposait un programme de stages d’été pour les enfants de ses employés. J’ai donc eu l’occasion de soutenir l’équipe de marketing pour promouvoir deux de ses produits. Pendant l’été, j’ai également travaillé pour différents organismes de santé et, au cours de mes études de premier cycle, plusieurs de mes professeurs terminaient leur doctorat, alors j’ai pu en apprendre davantage sur leur parcours.
À l’école secondaire, mon objectif initial était de devenir clinicienne (plus précisément docteure en médecine). Toutefois, mes expériences m’ont offert beaucoup d’occasions de recherche. Donc, après environ un an et demi à acquérir de l’expérience en tant que clinicienne, j’ai décidé de poursuivre mes études à la maîtrise et au doctorat en sciences infirmières. Davantage axées sur la sociologie, mes recherches doctorales ont été financées par la bourse de doctorat du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada. Je me suis penchée sur des infirmières formées aux Philippines ayant migré vers l’Ontario par l’entremise du Programme des aides familiaux résidants, et ce, sous l’angle du féminisme transnational. Après mon doctorat, le sujet de mes recherches a progressivement changé : elles ont d’abord porté sur les travailleurs étrangers temporaires, puis sur la santé des immigrants et, aujourd’hui, mes recherches sont davantage axées sur la santé des personnes noires et racialisées.
Jusqu’à présent, qui a joué le rôle le plus important dans votre parcours professionnel?
Plusieurs personnes ont joué un rôle important au cours de mon parcours professionnel. Au cours des 15 dernières années, la superviseure de mon projet de recherche, Sioban Nelson, Ph. D., a été la personne ayant joué le rôle le plus important dans ce parcours. Elle est très stratégique et a toujours les meilleurs conseils. Après mon doctorat, nous avons décidé de mettre fin à notre collaboration dans mes projets de recherche pour quelques années afin que je puisse perfectionner mes aptitudes de chercheuse indépendante. Elle est tout de même restée ma meilleure mentore.
Quel est le rôle de l’inclusion dans vos recherches?
Je crois que la principale influence de l’inclusion sur mes recherches est qu’elle me permet de changer les choses tout en innovant. Lorsqu’on place au cœur des discussions importantes des personnes qui en ont longtemps été exclues, de nouvelles idées prennent vie et l’innovation bat son plein. Grâce à l’inclusion, on peut envisager des questions auparavant non prises en compte ou déceler des lacunes dans les résultats potentiels. Elle nous permet de penser au-delà des idées dominantes, et de transgresser les normes.
Qu’est-ce que signifie « inspirer l’inclusion » pour vous?
Selon moi, pour inspirer l’inclusion, il faut s’engager en faveur de la justice sociale, qui est un élément essentiel du féminisme.
La première étape de cet engagement est la prise de conscience de notre situation sociale. Il faut donc réfléchir aux contextes historique, politique et social à grande échelle ainsi qu’à la classe sociale ayant contribué à déterminer notre poste. Par exemple, un homme à un poste de direction pourrait se demander : « Comment suis-je devenu cadre supérieur? Pourquoi ai-je eu accès à du mentorat pour obtenir ce poste? Pourquoi une femme n’a-t-elle pas plutôt été choisie? Quel a été le parcours des femmes ayant obtenu leur diplôme universitaire en même temps que moi? Comment les rôles de genre, y compris le travail de reproduction sociale, ont-ils influencé ma carrière? De quelle manière les changements historiques, y compris l’inclusion des femmes dans l’éducation, ont-ils façonné ou influencé la répartition des postes de pouvoir? Comment ces facteurs ont-ils contribué à déterminer la place que j’occupe dans la société ou dans l’organisation? Quelles sont mes obligations en matière de justice sociale et comment puis-je favoriser une excellence et un environnement plus inclusifs? » Cet engagement implique également une réflexion sur ses propres privilèges et, sur le plan relationnel, sur la manière dont ces privilèges sont une source d’oppression pour les autres.
Une personne qui s’engage à inspirer l’inclusion devrait s’engager à agir en faveur de la justice sociale. L’une des façons de contribuer à un monde plus inclusif est d’offrir des occasions de mentorat aux personnes d’origine, de sexe ou de race différents. Il faut également impliquer les femmes et les personnes issues de la diversité de genre de manière à faire briller leurs forces. Je crois fermement que la sensibilisation, le mentorat et l’engagement axé sur les forces peuvent contribuer à renforcer et à inspirer l’inclusion.
Que diriez-vous aux jeunes femmes en début de carrière?
Les femmes et les jeunes filles sont fortes. Concentrez-vous sur votre objectif à long terme.